Le Royaume de Ga'Hoole
Réalisateur : un chouette réal’ (Zack Snyder)
Acteurs
: Volatiles divers, essentiellement rapaces nocturnes
Musique
: Bruissements de plumes mineurs (David Hirschfelder)
Genre
: Documentaire animalier / Animation numérique de haut vol
Date de sortie
: 24 septembre 2010 (USA) – 13/27 octobre 2010 (Bel/FR)
Adapté de la série de romans "Guardians of Ga'Hoole" par Kathryn Lasky
Synopsis
Soren, jeune chouette, est bercé par les récits mythiques que son père lui raconte. A l’inverse de son frère dont il subit les railleries, il y croit dur comme fer. Lorsque les deux sont enlevés par les Sang Purs, ils doivent choisir entre la soumission ou la révolte. Soren et ses amis décident alors de retrouver les rois de Ga’Hoole pour les prévenir du danger.
Critique
La bande d’annonce laissait présager une performance visuelle fantastique, mais donnait peu d’indications sur l’histoire. Et Le Royaume de Ga’Hoole tient toutes ses promesses esthétiques. Dire que la 3D vaut le coût relève de l’évidence-même.
Les images sont d’une beauté saisissante, les chouettes remarquablement représentées, chaque espèce possédant ses propres caractéristiques. Les expressions faciales ne sont pas en reste (du moins pour des animaux plutôt figés en général) : la palette représentée est assez large pour communiquer des émotions au spectateur. Les yeux (en particulier les iris) sont très détaillés, colorés, expressifs presque hypnotiques. Ils reflètent parfaitement la personnalité et les états d’âmes des protagonistes. Leur plumage est plus vrai que nature, duveteux à souhait et l’envie d’y passer une main assez forte.
Les décors sont à la hauteur des chouettes : très vastes, colorés, emprunts d’une personnalité visuelle forte et remarquablement détaillés. Ils donnent au film une sensation d’espace, de liberté renforcée par les scènes de vol. Les couleurs sont très contrastées, ce qui ajoute de la chaleur à ces environnements, même les plus inhospitaliers. Puis ces couchés de soleils et ces cieux étoilés sont simplement magnifiques. Enfin que dire des effets visuels, si ce n’est que les yeux ont encore du mal à s’en remettre. Les reflets sur les parties métalliques, les liquides, le feu sont superbes et extrêmement réalistes.
Tout cela est magnifié par une animation sans faille qui sait mettre en valeur les qualités précitées. Les ralentis tiennent ici une place de choix pour souligner le travail de modélisation et renforcer l’ouverture des mirettes des spectateurs (heureusement que les lunettes 3D empêchent les mouchettes de venir tapisser les rétines à ceux-là). Les ralentis en vol sont particulièrement réussis et celui sous la tempête est certainement l’une des plus belles scènes d’animation que j’ai vues. Par ailleurs, malgré quelques décors sombres et de forts contrastes, les combats restent très lisibles, surtout dans la dernières parties plus action qu’aventure.
A ce point, d’aucun crierait au chef-d’œuvre...Minute le hibou !
Certes, les images dilatent les pupilles comme celles d’un rapace dans le noir, mais mes craintes concernant le scénario se sont révélées correctes. Celui-ci possède une envergure qui tient plus de la mésange que du grand duc. Certes derechef, Snyder fait avec le support original, essayant tant bien que mal de mettre un peu de suspense dans une histoire finalement assez linéaire.
L’ensemble du scénario fait tout
de même assez « enfantin » : les bonnes chouettes contre les
méchants hiboux que tout opposent s’affrontent pour la liberté des premières. Cette opposition se manifeste tant dans les
idéologies (démocratie contre totalitarisme) que dans les environnements
(lumière, vie, harmonie vs sombres montagnes, tons rougeoyants, très
« Mordorien ») ou les rapports entre les frères ennemis.
Si Soren, le personnage
principal, manque quelque peu de charisme, les personnages secondaires sont
plutôt drôles, chacun possédant une personnalité affirmée : surtout Digger
(complètement allumé) et Twilight (?), un barde digne d’Assurancetourix !
D’ailleurs, malgré une ambiance plutôt sombre, l’humour est bel et bien présent.
Citons la discussion des ravisseurs en plein vol à propos de leurs mimiques
menaçantes. A remarquer également que certains personnages secondaires sont un peu sous-exploités.
Autre moins, certains dialogues qui sonnent creux. Les enfants n’y prêterons guère attention, au contraire des adultes qui sont en droit d’attendre autre chose que « Suis ton gésier » ou « n’aies pas peur des paillettes ». Ces deux exemples sont certes les plus ridicules (surtout rabâchés à longueur de film), mais certaines répliques auraient eu plus d’impact en supprimant un morceau, souvent terminal, qui apporte une précision inutile ou ôte simplement l’effet attendu. Peut-être est-ce aussi imputable au doublage VF. Cet aspect basique des dialogues et du scénario constituent le principal grief que j’ai contre le film, encore cela ne m’ait pas trop dérangé (ça m'a plutôt fait rire en fait).
Dernier défaut : la
campagne marketing parlait d’un film tout public, essentiellement destiné aux jeunes
poussins (comme les livres originaux). Cependant, le résultat pourra en
impressionner plus d’un : entre scènes violentes et/ou saisissantes et
personnages très inquiétants et dérangeants (les zombies déboulunés, les yeux
rouges des guetteurs casqués), les plus jeunes en cauchemarderont sûrement plus
d’une nuit (ou alors ils ont bien changé en 10-15 ans). Et c’est de là que
vient le problème, Le Royaume de Ga’Hoole n’est ni complètement un film pour
enfants, ni entièrement un film pour adultes, mais fait le grand écart entre
les deux. Si le scénario, les personnages et le traitement général de
l’histoire penchent largement en faveur de la première solution, la réalisation et certaines thématiques
mettent l’accent sur le second groupe. Il manque du liant à tout ça, ce qui donne un petit côté brouillon. Si bien que les attentes des deux parties ne sont pas totalement
comblées.
Niveau des thématiques justement, on
retrouve les classiques de la littérature jeunesse : l’amitié, l’entraide,
le sens de la famille et du devoir, le courage, le rêve et croire en lui… De
même les aspects moraux ne sont pas oubliés et quelques nuances bienvenues se
glissent dans un ensemble assez manichéen. On peut retrouver une critique des
systèmes totalitaires : leader charismatique, formatage des esprits, une
certaine forme de racisme et des velléités de domination, le tout enrobé et justifié par de
« nobles idéaux ». D’un autre côté, les légendes comptées demandent à
être examinées d’une manière critique par son auteur : l’aspect héroïque
des batailles cache des séquelles physiques et morales irrémédiables (la guerre n'a rien d'héroïque). Ici se trouve un critique à peine voilée de la société de l(a) (dés)information dans laquelle nous vivons. Mais également une métaphore que toute pièce à deux faces, rien n'est parfaitement bon ou mauvais.
Les références ostensibles aux totalitarismes sont accompagnées d’autres aux Seigneur des Anneaux (j’en connais une qui va encore bondir XD) : les décors et les tons de royaume des Sang Purs ressemblent étrangement au Mordor, références à Saroumane, sans oublier la scène devant les rois de Ga’Hoole où ceux-ci s’inclinent devant Soren et ses amis).
En définitive le Royaume de Ga’Hoole reste un film en demi-teinte: doté d’un visuel époustouflant (où la 3D est un réel plus) et plus profond qu'il n'y paraît, mais desservi pas un scénario et des dialogues très basiques (confinant parfois au ridicule) qui assombrissent l’étincelante performance graphique, même si cela n'a rien de rédhibitoire. Il comblera cependant les amateurs de belles images qui s’émerveilleront devant l’esthétique du film et feront (presque) abstraction de ses défauts.