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Beyond The Frontiers
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22 novembre 2011

Soleil Vert (Soylent Green)

Soleil Vert
Richard Fleischer (1973)
Charlton Heston, Edward G Robinson, Leigh Taylor-Young
Musique: Fred Mywow (+ Beethoven et Tchaikovsky)
Science-Fiction/Anticipation

Adapté du roman "Make Room! Make Room!" de Harry Harrisson (1966)

En 2022, les hommes ont epuisé les ressources naturelles. Seul le soleil vert, sorte de pastille, parvient à nourrir une population miséreuse qui ne sait pas comment créer de tels aliments. Omniprésente et terriblement répressive, la police assure l'ordre. Accompagné de son fidèle ami, un policier va découvrir, au péril de sa vie, l'effroyable réalité de cette société inhumaine.
(Allocine, 2011)

Film d’anticipation passé au rang de culte, Soleil Vert (Soylent Green en VO) compte parmi ces œuvres qui placent l’humanité dans des situations extrêmes afin de nous faire réfléchir sur le mode de vie contemporain. Soylent Green dépeint un monde asphyxié par le smog, la surpopulation et l’épuisement des écosystèmes. Si la forme et une partie du fond sont datées, le message est plus que jamais d’actualité, à l’heure où malheureusement, les émissions des gaz à effet de serres repartent à la hausse et l'impact humain sur les écosystèmes naturels continue de les affaiblir.

Le titre fait directement référence à un nouveau composé alimentaire « de luxe » car réalisé à partir de plancton. Sorte de tablette sans goût, à la texture douteuse qui ne procure aucun plaisir gustatif, il reflète quelque part le progrès froid imposé par la nécessité de nourrir les masses.

Soylent Green propose une histoire plutôt classique d’un film noir, mais placé dans un contexte tout à fait original. Le scénario, au demeurant bien fait, n’a d'autres sens que celui de décrire ce New-York caniculaire, baignant dans un nuage verdâtre et de montrer à quelles extrémités la société en est arrivée pour se maintenir.

Robert  Thorn, un policier modèle incarné par le charismatique Charlton Eston, doit résourdre un meutre crapuleux d’apparence mais dont les motifs profonds chambouleront sa conception du monde. Conception assez étriquée puisqu’il n’a connu que cet environnement apocalyptique, son seul lien avec le passé étant son ami Sol, vieillard paisible et éduqué qui a grandit lorsque la Terre avait encore une apparence naturelle. Ce duo nous vaut d’ailleurs une des séquences les plus poignantes du cinéma, où Sol, ayant appris la répugnante vérité se fait euthanasier au Foyer.

Derrière la vitre, Thorn découvre à quoi ressemblait le monde « avant », tout en voyant son ami mourir. Au-delà du film, Charlton Heston était le seul sur le plateau à savoir que Robinson était mourant, ce qui rend la scène encore plus forte a posteriori. Le choc est d’autant plus marquant que les images, a priori banales, prennent une dimension inédite car à force de voir New-York transformé en bidonville crasseux, baigné par du smog et où les manifestations sont réprimées au bulldozer-broyeur, le spectateur, comme Robert Thorn, oublie que le monde fut autrefois coloré et vivant. Comme le crie désespérément notre policier à la fin : « L’océan agonise, le plancton a cessé d’exister ».

soylent-green-robinson
La symbolique de cette scène est forte, l’homme a pillé tout ce qu’il avait à disposition.  Et ce monde naturel de continuer à mourir avec ses témoins, laissant place à une société à l’agonie, prêtes à pratiquer les pires actions pour se maintenir (l’euthanasie à grande échelle, les bulldozer-broyeurs et la révélation finale…). Une société qui a oublié son passé pour vivre dans un présent miséreux dont elle se « contente », un présent sans éthique ni  bonheur. D’autant que, comme dans le monde réel, la majorité de la population vit dans des conditions pour le moins difficiles, alors que les nantis ont accès à ce qui reste des produits « naturels » et de peur, se barricadent dans de véritables forteresses.

Il est également intéressant de replacer Soleil Vert dans le contexte de sa sortie, où l’explosion démographique est une menace pour l’ensemble de l’humanité. Le livre, écrit dans les années 1960, où le contrôle des naissances n’est qu’un futur très controversé. Le contexte est d’autant plus pertinent que la révolution verte – l’usage de la technologie pour augmenter les rendements agricoles grâce aux engrais, pesticides et variétés résistantes – n’en est qu’à ses balbutiements. De fait, le baby boom des pays industrialisés et la natalité haute dans les pays pauvres sont transposés dans le récit sous une forme Malthusienne, c’est-à-dire où la population croît plus vite que les ressources disponibles et où cette surpopulation est entraine la pauvreté.

Lorsque le film sort, près de dix ans plus tard, la conscience écologique a commencé à s’imposer, sous l’impulsion des mouvements hippies. La pollution est devient le centre des préoccupations, alors qu’apparaissent les premières interrogations sur les conséquences et l’utilité de la croissance économique. De surcroît, le choc pétrolier a fait réaliser que les ressources naturelles sont finies. D’où les thèmes liés à l’épuisement de ces ressources et à la surpopulation, auxquels viennent se greffer des « solutions » pour remédier à cette situation. Solution radicales s’il en est : euthanasie systématique des vieillards, tablettes sans goûts, bulldozer-tueurs de manifestants mais surtout le final abject, terrifiante perspective du recyclage mené à son extrémité la plus sordide (SPOILER la réutilisation des cadavres humains pour alimenter la population FIN SPOILER) et la dissimulation du processus derrière une publicité qui vend le produit comme « élitiste ». 

Au rang des défauts, on regrettera que le film ait vieilli sur la forme, ne portant néanmoins pas préjudice au réalisme, ainsi qu’une fin très abrupte, qui laisse cependant la liberté au spectateur d’interpréter ce qu’il se passera (bien que le contexte ne laisse guère de choix en réalité).

Au final, Soleil Vert reste un monument du cinéma d’anticipation. Il a certes vieilli, mais grâce à un bon scénario et d’excellents acteurs, il délivre une réflexion profonde, percutante et malheureusement toujours d’actualité, sur les excès de notre société de consommation. Rien que pour cela (et la poignante scène au Foyer), ce Soylent Green est à voir !

soylent01

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Commentaires
L
Eh, ben ça c'est commentaire :)<br /> <br /> Je pense bien avoir été, comme tu le dis, marqué par les grandes scènes, et que cela biaise un peu ma vision de l'ensemble. De même, c'est surtout le fond du film que je retiens, beaucoup moins sa forme ou son scénario. Et je ne trouve pas que le film soit si désuet que cela. Les problèmes environnementaux et sociaux sont toujours présents, même si la théorie malthusienne n'est pas des plus appropriée au monde d'aujourd'hui. <br /> <br /> Du reste, c'est ton avis, et je le respecte :) Et merci pour ce commentaire très élaboré ;)
L
"Cannibalisme social", c'est au sens propre et non une métaphore ici ;) Belle remarque je dois dire ^^ Pour la fin, je pense qu'il serait désigné comme conspirateur ou "fou", vu que son chef n'est pas des plus clean non plus...
K
Construit (à l'époque) comme un thriller futuriste dont l'action se passe en 2022, la première chose qui saute aux yeux (aujourd'hui), c'est que le film a considérablement vieilli. Je rejoins donc totalement Ronnie sur ce point et sur les autres aussi. D'une esthétique finalement très 70's (mobilier et musique d'ascenseur inclus ce qui n'est pas sans rappeler une certaine Orange mécanique tournée deux ans plus tôt), Richard Fleisher, qui semble ne pas avoir tous les moyens nécessaires à la construction d'un vrai film d'anticipation, joue surtout sur la photographie pour créer un monde surpeuplé et moribond. Il mêle à cela une investigation policière à travers un personnage macho et viril (interprété par le très sémillant, mais quelque peu irritant et hautain Charlton Heston), qui ne lâche rien dans ses enquêtes à la limite de la légalité. <br /> Fleisher plante son décor. Un monde terne et surpeuplé, perverti un progrès toujours galopant. Un monde qui vit au-dessus de ses moyens, et qui manque finalement de nourriture. Car de nourriture, le peuple de base doit s'’accommoder de tablettes synthétiques, riches en nutriments essentiels...…Les soleils. <br /> Jaunes, rouges ou verts, ils sont devenus la base nutritionnelle d'’un peuple qui n'’a décidément plus trop le choix. Il existe cependant des nantis, qui de par leur richesse ou leurs relations peuvent parfois prétendre à un logement luxueux, avec douche et nourriture « réelle ».<br /> Visuellement, l'ensemble ne possède pas grand chose de futuriste et est filmé assez platement, avec un manque évident de rythme dans le montage, et une certaine faiblesse dans l'interprétation (excepté Edward G. Robinson absolument superbe). La révélation finale, sur laquelle repose et se construit tout le film, est passablement ternie par tous ces défauts, et se termine de manière abrupte, malgré le message écologique et humain voulu par le scénariste. <br /> On aurait aimé voir les conséquences de cette découverte horrifiante sur cette société victime de son « propre » progrès, mais le film nous laisse au bord de la route, comme descendu en marche, sans connaître la raison du pourquoi. Si depuis le début de ce siècle et à fortiori de ce nouveau millénaire, les préoccupations sont plus écologiques et environnementales, ce film estampillé SF met l’'accent sur le surpeuplement planétaire avec tout ce que cela implique comme bouleversements industriels, sociologiques, et surtout humains, sur fond de pollution mondiale. Il n’'y a plus de logements, malgré les nombreuses constructions qui ont recouvert les espaces libres autrefois verts et prolifiques en matière d’'agriculture. Comme l'’homme empiète sur la nature, il n'’y a plus d'’agriculture, donc plus de nourriture végétale. Comme on ne peut plus nourrir les animaux, il n'’y en a plus également.<br /> Fleisher aurait gagné à montrer tout cela, tout ce qui à amener le monde à cet état, afin de sensibiliser un public déjà inquiet à l'’époque des conséquences de la surpopulation, tout en gardant en filigrane l'’investigation policière.<br /> Au lieu de cela, il se cantonne uniquement à cette enquête sur le meurtre du directeur de la fabrique de ces « Soleils » et nous livre finalement un mélange de film de privé vaguement futuriste sans aucune consistance, et finalement pauvre et bâclé.<br /> Ce n'est donc au final ni un film de SF, ni un film policier, ni même une superproduction comme les affectionnait tant Charlton Heston. <br /> Malgré quelques scènes très intéressantes et profondes...les émeutes (extrêmes), le mouroir à la carte (véritable poésie visuelle et musicale), qui ont marqué les esprits de par leur pouvoir visuel sur la psychologie du spectateur de l'’époque, le film, dans son ensemble, ressemble finalement plus à un long épisode de la série "La 4ème dimension" version N&B 50's. <br /> Reste un film à voir pour son côté "Classique" indéniable, et son sujet profond mais de mon point de vue fort mal exploité. <br /> Pour les nostalgiques uniquement, car si à l'époque le film pouvait être impressionnant et alarmiste, il est aujourd'hui totalement désuet. <br /> Mais ce n'est qu'un avis bien personnel bien entendu ;-)
2
Je vois qu'on à la même remarque sur la fin (même si, comme tu le dis, ça permet de laisser place à l'imagination du futur de Thorn : sera t'il glorifié par le système ou conspué, désigné comme un conspirateur ?).<br /> Après, je ne trouve pas que le film ai si mal vieillit (même si il garde les traces de l'époque de sa production).<br /> <br /> Pour le propos, il illustre de façon direct ce que l'on peut appeler le cannibalisme social.
L
C'est sûr que du point du vue du fond, c'est un film qui marque, surtout la révélation finale abjecte. La question de l'euthanasie telle que présentée est intéressante. Car d'une certaine manière, on épargne pas mal de souffrance aux personnes, mais son industrialisation et son but qui sont totalement extrêmes. Reste à espérer qu'on en arrivera jamais à une telle extrémité (pas l'euthanasie, c'est une bonne chose qu'elle soit permise et encadrée en Belgique) ;)
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