Tinker, Taylor, Soldier, Spy - La Taupe
Tomas Alfredson (2011)
Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Mark Strong, Benedict Cumberbatch, Ciaran Hinds, John Hurt
Musique: Alberto Iglesias
Thriller - Espionnage
Adapté du roman éponyme de John Le Carré
George Smiley est un agent du MI6. Alors qu'il s'apprête à prendre une retraite bien méritée, son service fait appel à lui pour découvrir une taupe soviétique.
Voici un film des plus déroutants. Si le pitch laissait entrevoir une intrigue d’espionnage avec de la tension et du spectacle, Alfredson en fait un parfait anti-James Bond. Il livre un film d’apparence austère, où le spectacle est une notion toute relative (voir carrément absente), le scénario lui-même (une taupe à débusquer dans les hautes sphères de services secrets britanniques) passant au second plan au profit d’un développement approfondi des personnages. De fait sa complexité nécessite une attention soutenue pour saisir son essence.
La temporalité du récit est particulièrement mise en avant avec l’usage de flashback déstructurant la trame globale, approfondissant tant les personnages que l’intrigue elle-même. Ils participent grandement dans l’aspect brouillon, visiblement volontaire et assumé, qui ressort du scénario.
La réalisation est également aux antipodes d’un film d’espionnage spectaculaire. Elle mise sur la finesse et instaure cette ambiance lourde, entre paranoïa liée à la guerre froide et nostalgie de son personnage principal, typique d’un huis-clos grâce à une maîtrise totale de l’espace et des temps. Les plans expriment tous quelques choses, aucun n’est réellement vain ou gratuit. La description muette des environnements, comportements ou état d’âmes est omniprésente, bien aidée par douceur de l’ensemble. Fluidité est ici le maître mot: les transitions sont douces, les mouvements de caméra également. Alfredson joue de sa caméra pour instaurer des suspenses, des intrigues et rendre le film accrocheur juste ce qu’il faut pour maintenir l’attention. A remarquer une reconstruction très réaliste des décors ainsi que l’usage de couleurs ternes et passées.
L’économie de dialogue est contrebalancée par d’abondants plans sur les regards. Ces derniers sont d’ailleurs un élément à part entière de la réalisation, guidant l’enchaînement plans, des focales ou révélant les pensées des personnages. L’on soulignera au passage le casting 4 étoiles. Gary Oldman impeccable en vieil agent usé par la vie, Colin Firth charismatique et charmeur, Tom Hardy, beau gosse traqué mais easy-going ou Mark Strong, agent compétent, ami sincère et homme trahi. Cependant, à force de jouer sur l’esthétique pure de son récit, le réalisateur nous perd plus d’une fois en longueurs descriptives et scénaristiques. Ces dernières sont parfois très marquées au point que le film nécessite alors de fournir de gros efforts pour suivre une histoire déjà très complexe.
Dans les faits et malgré un sujet des plus prometteurs, La Taupe est un film difficile d’accès. Son scénario d’une complexité à faire pâlir un casse-tête chinois n’est guère servi par le rythme lancinant du récit, bien que ponctué ça et là de moments plus prenants. Au-delà d’une réalisation intelligente, d’une révélation finale marquante et d’acteurs impeccables, ce Tinker, Taylor, Soldier, Spy reste une demi-déception. Un film qu’on a envie d’aimer pour son parti-pris anti-spectacle, son histoire intrigante et intéressante, mais qui rebutera plus d’un cinéphile en raison de son jusqu’au-boutisme conceptuel.