The Dark Knight Original Motion Picture Soundtrack - Partie 1

Hans Zimmer & James Newton Howard (2008)
Durée: 73 min 24 s
Soundtrack

Je crois que désormais vous connaissez mon intérêt pour les bandes originales, surtout celles de Hans Zimmer. Voici donc un second article dédié à son travail pour le film de Christopher Nolan. Le dossier s’avère être trop gros pour être publié d’un seul tenant. Voici donc la première partie consacrée à une revue générale de l’OST, une analyse des thèmes et des caractéristiques musicales. Une seconde partie consacrée à l’analyse de chaque morceau paraîtra dans la foulée.

Le blockbuster renouvelle la collaboration musicale entre Hans Zimmer et James Newton Howard, qui avait très bien fonctionné sur Batman Begins, alliant la sobriété et la légèreté de Howard avec l’énergie et la puissance de Zimmer. Ils nous servent un pièce monumentale de 73 minutes et 24 secondes en version simple, sombre, violente où se mêlent sonorités acoustiques et électroniques. Une heure quart éprouvante, sans concession, mais un véritable bonheur musical.

Là où Batman Begins explorait la création de Batman et la psychologie de Bruce Wayne, The Dark Knight se tourne plus vers l’action. La bande originale suit le même chemin. Si les principaux thèmes sont repris presque tels quel, leur atmosphère est assombrie et le timbre devient plus rugueux. En effet, un des aspects intéressants de la BO de Batman Begins est d’avoir un son somme toute très lisse, insaisissable, avec très peu de relief (comprendre : grain) dans les instruments. The Dark Knight possède un son d’ensemble beaucoup plus granuleux, en témoignent les magnifiques contrebasses. Cette observation est importante, car elle assombrit le son. De même, les aspérités du son peuvent être vues comme celles que présente enfin Batman, dans le sens où il n’est plus insaisissable, mais forcé à l’affrontement par le Joker. La criminalité se lance dans une escalade à la violente en réaction à la présence de Batman, ce qui se ressent dans l’orientation du score. En outre, ce qui donne cette atmosphère ténébreuse à l’ensemble est le fait que la musique est généralement jouée assez bas et avec une tonalité sourde lors de ses passages plus calmes.

Une deuxième remarque à donner à cette bande son, par rapport à son antécédent, c’est une richesse un peu en baisse. L’optique du film, orienté action plutôt que psychologie, crée une musique qui mise plus sur l’énergie et la tension, sur le « coup de poing » plutôt que sur la recherche de sonorités, d’exploration psychologique des personnages. Ceci se traduit de deux manière. Premièrement, plusieurs thèmes passent à la trappe, ou sont uniquement utilisés sur l’album mais pas dans le film. Le thème de Bruce Wayne est ici l’exemple-type. Utilisés à plusieurs reprises (Harvey Two Face, Aggresive Expansion en sont des exemples), il n’apparaît pas dans le film (ou alors, je l’ai manqué…). Zimmer utilise ici des motifs rythmiques aisément reconnaissables : 4 à 8 notes jouées très rapidement par les cordes. La couche supérieure se compose, dans le cas du « thème principal de Batman » de deux notes aisément reconnaissables. Deuxièmement, l’usage de percussions plus présentes et puissantes que dans Batman Begins que ce soit un simple usage rythmique ou pour appuyer les envolées de cuivres/cordes.

Cette atmosphère lourde n’est brisée que deux fois, lors des apparitions du thème de Harvey Dent. En son absence le poids de la chape sonore est évidemment variable, d’étouffant à presque imperceptible dans les moments plus épiques.

Analyse des Thèmes musicaux

The Dark Knight possède plusieurs thèmes récurrents, qui ont trait aux personnages principaux : Le Joker, Batman/Bruce Wayne et Harvey Dent.

1. Joker


Penchons nous sur le premier. Son thème ouvre la bande originale sur une piste (Why So Serious) violente, tendue et oppressante. La musique composée par Hans Zimmer se rapproche de l’expérimental tant son design électronique paraît complètement déconnecté de toute logique mélodique. En effet, ce thème ne possède pas de mélodie à proprement parler (construite sur une série d’accords), mais plutôt des vagues sonores et des « tic-tacs » rythmiques. Les couches sonores sont faites d’un enchevêtrement de violoncelle et guitares électriques auxquels viennent d’ajouter des bruitages électroniques comme des cliquetis. Le tout est supporté par d’énormes percussions qui donnent la violence aux véritables explosions sonores. Dans cette optique de couches multiples, le son semble plus construit qu’enregistré.

Le travail sur la personnalité de la musique est très réussi, tant l’aspect chaotique et tendu colle parfaitement au Joker, à son caractère imprévisible, qui peut passer d’un extrême à un autre, exploser à tout moment. D’ailleurs, souvent, le thème est utilisé en anticipation de l’apparition du personnage à l’écran, ce qui joue sur l’appréhension du spectateur (un peu comme dans Jaws).

2. Batman


En réalité, il n’y a pas de grand thème uniquement relié à Batman, dans le sens du développement psychologique, mais plutôt à ses actions et à ses apparitions. C’est pourtant le thème le plus proéminent des trois, bien que celui du Joker apparaissent très souvent, mais de manière mineure dans les pistes. Il peut être aisément reconnu dans I’m Not A Heros, Like a Dog Chasing Cars (développement entier), Introduce Little Anarchy et A Dark Knight.

Il s’agit d’une variante du thème à trois notes reposant sur un ensemble de violon jouant à toute allure un motif rythmique classique à 4 notes, déjà développé dans Batman Begins. Il ressemble à ce que Zimmer a pu proposer avec Che Valier de Sangreal (Da Vinci Code) ou POC Dead Man's Chest (Hello Beastie), mais avec une atmosphère beaucoup plus sombre et une nette accélération du tempo.

D’un point de vue strictement psychologique, c’est un thème qui varie tout au long de la BO, très légèrement certes, oscillant entre l’anxiété de Bruce Wayne (thème Wayne) et les apparitions de Batman. Vers la fin, ces deux thèmes se mêlent et se mélangent, reflétant les doutes et les craintes de Batman et les doutes de Bruce quant à sa mission.

La fin de la BO plonge le thème dans une atmosphère nouvelle et beaucoup plus sombre avec Watch The World Burn, composé d’ensembles de violons aux intonations fortement tragique, à l’atmosphère teintée de chagrin/douleur. Cette partie est très proche de Parricide de Gladiator. Enfin, A Dark Knight prolonge et recycle ce thème de Batman, qui, bien que sombre, trouve ici un aspect héroïque, le Chevalier Noir sortant vainqueur de l’affrontement contre le Joker et Dent. La fin de cette longue piste, se veut moins triomphante, moins enlevée et retourne vers des ambiances très sombres et inquiétantes, où le thème principal à deux note termine la piste sur un fade out.

3. Harvey Dent

Pas grand-chose à dire ici, car il n’est pas très présent sur la BO. Il apparaît en effet dans la sublime Harvey Two Face et Bloods On My Hands. C’est probablement le plus bel arrangement mélodique de la BO, avec les élans héroïques dans les premières minutes de A Dark Knight. Toutefois, Il détonne un peu dans cet environnement sombre et violent en développant une mélodie douce, et la plupart du temps lumineuse qui rappelle plus le travail de JNH que HZ. Cette différence met en avant la situation particulière de Dent, comme un Chevalier Blanc. Les grands thèmes des cuivres, vibrants, inquiétants de Batman laissent ici place à des arrangements beaucoup plus classieux et moins guerriers.

Sa sobriété est agrémentée de grandes envolées, toujours sensible. Le tout accueille quelques notes de piano, illustrant la relation avec Rachel. L’assombrissement du thème viendrait alors mettre en avant l’aspect dérisoire de son travail, mais aussi la double personnalité d’Harvey, qui bascule lentement vers Double-Face.

Conclusion

En guise de conclusion intermédiaire, The Dark Knight possède une musique impressionnante et plus riche que son apparence laisse penser. Certes, par rapport à Batman Begins l’exploration psychologique des personnages est moins poussée, mais l’action et l’énergie insufflée à cette OST compense cette perte par une  accessibilité plus aisée pour les non-initiés. Les auditeurs aguerris trouveront eux une bande originale presque exemplaire, alliant symphonie et électronique de manière très subtile dans un grand barnum sonore qui ne laisse pas indifférent et duquel trois thèmes principaux très différents émergent, se mêlent et s’opposent.

Comments

[Le umas]

J'ai aussi eu du mal avec Why So Serious, mais une fois dedans, c'est dantesque. Le thème du Joker n'est pas à proprement parler agréable à écouter, mais plutôt impressionnant et éprouvant. Je pense que j'ai fini par l'apprécier, mais à petite dose, et j'ai tendance à le zapper quand j'écoute sans trop faire attention.

Sinon, y a que du bon effectivement, Harvey Two face est sublime, et les thèmes de Batman sont bien énergiques et très plaisant à écouter.

La suite viendra bientôt (mardi ou mercredi normalement).

Et merci pour les compliments :)

[MaxLaMenace_89]

Très intéressante analyse, hâte de lire la suite... En effet la BO se veut plus orienté action, spectaculaire et "moderne" que celle de Batman Begins. Qu'importe, elle est bonne ! Hormis les thèmes liés au Joker - sons stridents ammassés qui comme tu le dis rapporte au chaos psychologique et intentionnel du personnage - y'a que du bon à mes yeux.

Sinon magnifique mise à jour pour l'aspect de ton blog ;)

[Le umas]

Merci :)
Oui, Harvey Two Face semble tenir plus au style de JNH, aussi par son aspect plus lisse et doux des violons.

C'est vrai que la BO est orientée action et reprend beaucoup de Batman Begins, mais les morceaux intermédiaires d'ambiance comme Blood On My Hands, Little Push ou Watch The World Burn sont excellents aussi, mais apparaissent en retrait du reste. Mais si on les écoute attentivement, elles apportent beaucoup à l'atmosphère de l'ensemble.

J'y reviendrai dans la 2e partie et l'analyse de chaque morceau séparément ;) (je suis en train de l'écrire, il me reste 1-2h de travail dessus).

[2flicsamiami]

C'est vrai que Harvey Two Face détonne et ressemble au style de JNH (des notes de piano surnageant sur une nappe de violons).
Excellente analyse en tout cas, technique mais très compréhensible. Surtout pour la musique du Joker, qui reflète parfaitement la personnalité du personnage.
Je suis également d'accord avec la limite de l'OST qui est d'apporter exclusivement des morceaux orienté action et n’amenant aucune recherche mélodique et artistique. Il n'empêche que l'on retient parfaitement sa musique.